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Le 27 avril dernier Nada Surf était au coeur de sa tournée Française et passait par la Krakatoa de Bordeaux Mérignac. En première partie pour cette série de concerts il y avait Jan Fiévé, alias Arman Méliès.  Loic Bocat a eu le plaisir de pouvoir le coincer en loges afin de faire le point avec lui sur sa carrière, mais également de parler de son dernier album "Vertigone" sorti chez At(h)ome en Octobre 2015.  Rencontre...

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Reports.Photos.Concerts : Suite à une discussion avec un ami, nous avons conclu que vous proposez des titres à écouter et à entendre, êtes-vous d'accord avec cela ?

Arman Méliès : Effectivement c'est une musique qui sur la plupart des titres quels que soient les albums, l'esthétique du disque, nécessite plusieurs écoutes pour pouvoir comprendre ma démarche, ce qu'il en est, au niveau des textes forcément, mais aussi de la musique. J'aime bien proposer différents niveaux de lecture et j'aime bien que l'on puisse découvrir au fur et à mesure des détails, un peu comme pour un film que l'on visionne plusieurs fois...

Arman Melies (1)

R.P.C : ...oui comme une œuvre. Votre pseudonyme utilisant les patronymes d'Arman, le sculpteur, et Méliès, le réalisateur, n'est pas innocent en cela.

A.M : Oui ce n'est pas innocent. Le fait de s'intéresser à d'autres formes d'art est important pour moi. Cela permet de me nourrir, de m'approprier de la matière pour mes propres créations même si ce n'est pas forcément quelque chose de conscient qui se traduit directement dans mes morceaux. Il faut que je me ressource en permanence pour mes inspirations. Ces influences ont une importance indéniable pour l'univers graphique qui tient une place indéniable dans mon univers artistique, notamment au travers de mes pochettes. Je ne considère pas la musique uniquement comme des chansons que l'on puisse jouer sur scène. Dès lors que l'on créé un album sur un support physique, il y a tout un ensemble de choses qui créé une atmosphère et le visuel y tient toute sa place.

R.P.C : Et sur l'évolution des pochettes, très pop art sur les trois premiers, plus minimaliste sur IV et je dirai incarnée sur Vertigone. Effet voulu ?

A.M : Oui complètement. Les trois premières ont été réalisées par le même graphiste qui s'appelle Julien Pacaud qui a un univers onirique et qui avait une résonance avec ces disques. Pour le quatrième album, je voulais quelque chose de beaucoup plus froid, désincarné et du coup je voulais que visuellement il se passe quelque chose du même ordre, un peu en contre-pied des montages précédents.

R.P.C : Je trouve aussi que les éléments sont prégnants dans votre musique, en tout cas vos atmosphères, très aériennes pour les trois premiers, minérale pour l'avant dernier et le feu pour le dernier. Si on reste sur le registre des éléments, quel a été l'élément déclencheur pour la création de Vertigone, l'élément fondamental de cet album et l'élément animateur sur scène ?

A.M : Le disque est né sur la tournée de Julien Doré que j'accompagnais à la guitare. Il y a eu une influence directe dans la manière d'écrire par rapport à ce que je vivais tous les soirs sur scène. À côté de cela, il y avait l'idée de se détacher un peu du disque précédent, plus cérébral, pour aller vers un disque plus physique. Plus physique parce qu'avec la tournée de Julien, il y avait la scène tous les soirs et je ressentais ce besoin de vivre les mêmes choses pour mon nouvel album. Je voulais des titres plus directs sur scène, quelque chose qui mêlait la chair et le son, là où les titres précédents se devaient d'être revisités pour avoir une dimension plus live.Arman Melies (2)

Ça c'est l'idée première. Après l'élément fondamental, l'élément clé qui m'a permis de penser cet album c'est la voix. Cette façon de chanter, je la voulais plus nerveuse, cela s'est inscrit dès la composition des titres, pour la plupart fait à la guitare électrique, donnant déjà une couleur, une orientation aux morceaux. Du coup en commençant à chanter les premiers morceaux, je me suis permis d'être moins en retrait que d'habitude. Une sorte de prise de risque non calculée, qui est venue naturellement justement avec la fougue perçue sur les compositions. Dans un second temps j'ai exploré un peu plus cette nouvelle voix et par-delà j'ai découvert le plaisir physique de développer cette voix, de chanter de manière plus frontale.

Du coup en concert quelque part c'est facile, ce n'est que le prolongement du disque. Le seul inconvénient de tout cela, c'est qu'il faut être en forme. Ces titres nécessitent un investissement total de ma part et donc la moindre faiblesse se ressent automatiquement.

R.P.C : Pour revenir à l'élément feu, présent dans les titres comme sur les paroles, diriez-vous tel le Phoenix, que cet album est un renouveau ou est-ce un prolongement des précédents ?

A.M : J'ai toujours envisagé cela comme une continuité. C'est vraiment une évolution, et si parfois il y a des mini-révolutions, elles sont avant tout là pour me permettre de garder la même excitation, de se surprendre soi-même. Il y a bien sûr aussi l'idée de proposer des choses différentes aux auditeurs, mais différente ne veut pas dire opposé ou contraire.

R.P.C : Et donc le vocabulaire utilisé pour Vertigone ? Pur hasard, inconscience ou orientation voulue ?

A.M : Ce n'est pas totalement le pur hasard parce que je réécris beaucoup. J'écris de manière conséquente puis je supprime beaucoup de choses, donc si des mots, des atmosphères, des images sont là, c'est que la chose est entendue et voulue quelque part. Je me suis rendu compte lors de cette relecture qu'il y avait tout un vocabulaire lié au feu sur ce disque, que j'ai gardé en partie donc, mais qui n'était pas conscient. Je trouvais au final que cela marchait très bien avec la couleur que je voulais donner à l'album.

Arman Melies (3)

R.P.C : Vous êtes connus pour cela, et cet album ne déroge pas à la règle. Vos titres font en moyenne 4min30. Vous avez ce besoin de laisser le temps à vos morceaux de vivre et au public de se plonger dedans, comme un sentiment de contemplation ?

A.M : J'aime bien avoir le temps de pouvoir exprimer une idée, qu'elle soit musicale ou qu'elle soit dans le texte. Du coup je ne me fixe jamais de contrainte. Après bien sûr il y a des radio edit, cela ne me gêne pas dans un second temps d'en proposer mais je ne vois pas l'intérêt sur un disque de me limiter, de raccourcir pour raccourcir. D'un autre côté, si une chanson vit bien en ne faisant que 2min30, cela ne me poserait pas de soucis non plus, le tout étant de ne pas se censurer.

R.P.C : Finir par un instrumental de près de 5min (Vertigone) puis un morceau de plus de 8min (Le volcan, même), ce n'est pas commun.

A.M : en effet mais pour le coup c'est une démarche présente sur certains de mes précédents albums. Pour moi cela racontait quelque chose, il y avait comme une évidence de finir ainsi.

R.P.C : Comme un court-métrage, on revient à la question du début et sur le côté visuel de vos créations.

A.M : Certaines chansons vont dans ce sens. Ce sont des petits films, ou en tout cas des BO de films qui n'existent pas encore. Il y a vraiment cette idée. Après ce ne sont que des  images, je ne suis pas attiré par le côté narratif dans les textes, je suis plus inscrit dans un côté impressionniste, du coup il n'y a pas vraiment d'histoires.

R.P.C : Jean-Louis Murat exprimait il y a peu les difficultés à pouvoir tourner, à défendre un album qui est en marge des productions qui « vendent ». Vous faites de votre côté la majorité des dates en première partie de Nada Surf. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

A.M : Très sincèrement je ne ressens pas de difficulté en ce moment car j'ai de la chance et quelque part ça n'a jamais aussi bien marché pour moi. Après je comprends le point de vue de Jean-Louis. Le monde de la musique est devenu encore plus une industrie du divertissement et la place est prise beaucoup, mais pas uniquement, par des gens qui proposent de la musique très grand publique. Certains le font avec un certain talent, d'autres je suis plus sceptique. Il y a donc moins de visibilité pour les projets plus singuliers. À côté de cela il y a un contexte qui fait que les gens doivent sélectionner, ils ne peuvent pas voir 5 concerts dans le mois, voire même dans l'année et du coup ils préfèrent voir les grosses stars ou les plus visibles. Du coup si on va voir 1 Rihanna, on s'empêche de voir 6 ou 7 Jean-Louis Murat car le tarif n'est pas le même. On peut le regretter.

R.P.C : Vous avez touché un peu près à tous les genres musicaux, que ce soit dans votre premier groupe ou depuis votre projet solo. Existe-t-il un genre, passé ou actuel, où vous aimeriez-vous essayer ?

A.M : Bien sûr. Il y a plein de projets qui me plaisent, m'interpellent et dont certains je ne suis pas capable de proposer une version...

R.P.C : ...prendre un contre-pied plus electro par exemple ?

A.M : Pour le coup cela pourrait être possible car la musique instrumentale m'intéresse beaucoup. Du coup pourquoi pas un jour proposer un projet encore plus du domaine de la musique électronique.

Pour revenir à mes impossibilités, je pense plus à des projets de l'univers Hip Hop. Un truc comme Drake par exemple. Je trouve que ce que propose ce gars est tout simplement incroyable mais je serais incapable de faire pareil, cela serait totalement ridicule de ma part (rire). Cela ne m'empêche pas de trouver tout cela excitant, que cela soit dans la production ou dans les lignes mélodiques. Pour prendre le contre-pied de cela, certaines musiques contemporaines très minimalistes me parlent aussi beaucoup. Là encore moi je suis autodidacte, je serai incapable de proposer des compositions de ce niveau technique et mélodique, pour un quatuor ou pour un orchestre encore plus grand. Pour résumer forcément il y a des domaines qui me resteront interdits, dont certains me plaisent, mais le champ des possibles reste vaste pour que je puisse encore explorer d'autres domaines.

R.P.C : Comme s'autoriser des concepts plus transdisciplinaires comme les bd-concerts...

A.M : ...c'est marrant que tu parles de cela car j'ai un projet en attente avec un peintre basque. Il s'appelle Franck Cazenave, On a un peu flashé sur nos créations respectives. De mon côté je lui avais fait écouter des instrumentaux inédits par exemple. On en discute depuis près d'un an maintenant, cela avance tout doucement. Il y a des contraintes temporelles et géographiques donc la chose est encore un peu compliquée mais cela nous tient à cœur de pouvoir le proposer un jour.

Enfin dernière question (je lui montre une liste d'artistes), si vous vous parler de l'un ou l'autre, voire d'une autre personne, faites-vous plaisir.

Arman Melies (4)

 

David Bowie, bon tout a été dit sur ce génie, pas besoin d'en rajouter, une capacité à innover quelque soit les époques. Après pour moi, mes influences directes sont plus Alain Bashung et Christophe. Ils n'ont eu de cesse de prospecter, de proposer, et pour le coup Christophe continue. David Bowie c'est un peu la même chose mais pour moi c'est trop inaccessible. Même si je ne suis pas fan de tout, sa disparition a créé un vide artistique pour moi.

 

Julien Doré forcément. Je l'ai rencontré sur son premier disque où je suis venu faire les guitares. Au-delà de nos rapprochements artistiques, il est devenu un bon ami. On va continuer de travailler ensemble encore longtemps je pense.

Je ne peux que citer Dominique A également. Au-delà de son talent, c'est quelqu'un qui m'a beaucoup aidé au départ. Quand le premier album est sorti, il en a beaucoup parlé et il m'a invité surtout à faire beaucoup de première partie, entre le premier et le second album. C'est quelqu'un d'important car il est l'un de ceux qui m'a montré un peu la voie, la possibilité de conjuguer les influences anglo-saxonnes et l'écriture à la française.

J'aimerai parler de quelqu'un qui n'est pas dans la liste. Il s'agit d'Adrien Daoud. Il m'accompagne sur scène depuis les débuts, en tant que claviériste et saxophoniste. Il a un projet solo qui s'appelle Adrien Soleiman qui sortira cet automne. Ce qu'il propose est superbe, une sorte de chanson pop synthétique, des choses très naïves et très belles et des choses plus sombres. On pourrait rapprocher  cela de Christophe justement. C'est à suivre.

R.P.C : Merci et bon concert.

Photos et Interview Loic Bocat de Studio 58 pour R.P.C.

Merci beaucoup au Krakatoa et en particulier à Alice.

GALERIE COMPLETE DU CONCERT :

Arman Méliès, Bordeaux, Krakatoa, 2016.04.27

Photos de @[556683374514232:274:Antoine Barland - Photographies] pour R.P.C

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